La recherche de ce Manoir m’a donnée du fil à retordre. Quelques images glanées ci et là ont fait de cette demeure une obsession. De premier abord, je suis parti sur une fausse piste, et, à force de recherches (de longues nuits, obstiné), je l’ai trouvé (du billard à plusieurs bandes). La visite est planifiée, un moment où cela n’empiète pas sur la vie personnelle. Après pas loin de 20 ans d’abandon, je peux bien attendre quelques semaines, que l’horizon soit plus dégagé.
Finalement, c’est au dernier moment que je me décide à partir, deux semaines avant ce qui était prévu. Trois visites sont planifiées dans ce coin. Au final, ce sera trop. Le premier spot est totalement vidé. C’est une petite déception, mais, c’est le jeu (à y regarder de plus près, ce spot n’était manifestement pas abandonné, simplement en « transition »). Le couvre-feu approche, impossible de tenter en cette fin d’après-midi l’un des autres spots prévu. Je découvre mes pénates pour cette nuit exilé, la fin d’un (bon) match du Tournoi, running bucolique et dernier repérage pour demain matin.
Réveil raté … J’ai l’obsession d’arriver de nuit sur certains spots. Pour celui-ci, ce sera raté … Au final, la bourgade se révèle très calme en ce dimanche matin, et, l’accès se fait sans encombres. Quelques pas après la grille, le sol est jonché de détritus. L’isolement est total au milieu de ce jardin, dense. Il n’y a qu’à suivre le chemin tracé par mes prédécesseurs pour tomber face à la porte principale entre-ouverte (vitres brisées …) de cette demeure construite en 1888. C’est assez bluffant. Je ne sors pas le matériel photo, et commence par m’offrir une lente visite, juste pour les yeux. La lumière matinale est encore bien faible, je commencerai par le haut et ferai la visite en descendant, lui laissant le temps de montrer le bout de son nez. Le premier aperçu du rez-de-chaussée, une fois la porte franchie est en tous cas un émerveillement, lumière ou pas.
Le mobilier est nombreux et élégant, les tableaux encore aux murs. J’ai toujours du mal avec ces petites poupées placées ça et là … Personnellement, je ne trouve pas ça du tout photogénique. Mais comme d’habitude, je ne touche pas. La visite peut continuer, de part et d’autre de ce couloir.
Bien que le manoir soit très bien protégé du vandalisme (grâce aux voisins ?), il y a des disparitions. Plus aucune de ces magnifiques suspensions n’est encore présente dans les pièces du rez-de-chaussée. C’est un « prélèvement » très ciblé … De l’autre côté du couloir, on commence à voir du decay, papier peint qui se décolle, plafond qui s’effrite et tapisse le sol et la table des repas. C’est saisissant. Et tout à fait compréhensible lorsque l’on a vu les infiltrations à l’étage supérieur. Un peu de mise en scène pour cette télé et ce lecteur de bande. C’est bien fait!
On retrouve le fameux canard (mais pourquoi l’avoir déplacé ?) sur la table de la cuisine. Pièce que je n’ai pas trouvée particulièrement intéressante. Le petit salon de jardin est quant à lui magnifique. Probablement « réaménagé, mais vraiment superbe.
Au premier étage, la lumière arrive pour éclairer les chambres. Certaines d’entre elle ne servent plus que de débarras. On voit arriver le délabrement dans cette pièce, les murs sont attaqués par la mérule, l’humidité prégnante. Le placard vacille, se craquelle.
Il suffit de passer par la salle de bain attenante, merveilleuse dans son vert pastel, pour arriver dans une pièce saisissante. Je me permets de retirer les éléments de mise en scène des précédents visiteurs (une corbeille en plastique sur le lit, avec un ours en peluche dessus …, je déteste, je trouve ça ridicule, cela ne met aucunement en valeur le lieu), je la préfère au naturel. Comme dans la salle de bain de la « chambre bleue », le mal est là. Le temps fait son œuvre, c’est ce qu’on attend de lui lors des ces découvertes.
La « chambre bleue ». Elle est luminescente dans ce matin de février. Seule, abandonnée, elle reste cependant d’une vivacité incroyable. C’est beau, juste beau. J’admire, je contemple, me délecte. Le temps se fige, la réalité lointaine, c’est un soulagement d’être ici, dans le froid matinal. Je ne m’en rendrais compte qu’en quittant les lieux, au moment de revenir dans le réel.
Pour finir (ou commencer), les combles et le sous-sol. Dans le premier, rien de bien extraordinaire, si ce n’est le bazar et l’accumulation. Daniel Guichard veille, souvenir d’une glorieuse décennie. Incompréhension également face à cette structure qui relie l’escalier au soupirail. Tout comme ce lieu, dans sa globalité, elle interpelle et questionne. Mais pourquoi ?
Comme de coutume avec les résidences privées, très peu d’informations sur ce lieu. Voire aucune même … Si ce n’est que les recherches m’ont amené à trouver que la famille qui possédait ce manoir n’est pas totalement éteinte. Un descendant réside même à quelques kilomètres de là, et la dernière propriétaire, Léone, n’y a pas fini ses jours … Cet imposant fauteuil roulant était pour Madame ou Monsieur ? Un héritage complexe, un entretien trop onéreux ? Aucune réponse à ce jour. Ou du moins aucune qui me convainque (je vous laisse le plaisir d’écouter les explications d’un youtubeur qui me semble avoir poussé assez loin son imagination). Je préfère pour ma part la dénomination de Manoir Paysagiste (à celle de Manoir Malédiction), cela me semble rendre hommage à son dernier propriétaire dont, en fouillant un peu, on peut encore trouver les classeurs remplis d’image et de photographies d’arbustes, plantes et arbres qui ont nourri son métier des années durant. La bibliothèque du rez-de-chaussée (que je n’ai pas photographiée, mais pourquoi ?) témoigne aussi de ce passé.
La visite de ce manoir est, à ce moment, ma plus belle sortie urbex. Tant dans la recherche que la visite. Elle est tombée à point, au moment opportun, un besoin de vide, loin des larmes et des corbeaux blancs. Ce fût pour moi un réel moment de répit, une évasion pudique dans un lieu magnifique.
Direction La Maison Effeuillage à quelques minutes de là (je remercie à ce propos sleepingbeauties_urbex, qui pendant ma pause longue m’a fichu une belle frayeur) !
salut salut!!! je l’ai fait aujourd’hui et j’ai adoré ce lieu…même si le temps et les vols continuent de faire leur oeuvre…en faisant des recherches j’ai retrouvé de vieilles photos…et on se dit que ces urbexeurs que nous sommes ne sont pas aussi gentils qu’ils veulent bien le faire croire parfois…en tout cas si tu reviens dans le coin je serais ravi de partager quelques explos avec toi
Bonsoir Aries,
Merci pour ton retour ! Ce lieu est effectivement très agréable à visiter. De longs mois après, je me souviens encore du moindre détail. Je me ferai un plaisir d’aller sur les spots de la région avec toi. N’hésite pas !!
Pour revenir sur les disparitions, j’ai récemment vu que le canapé bleu du rez-de-chaussée ne semblait plus être à sa place, dans la pièce au piano. Je ne comprends pas …